LA SPECIFICITE MEDITERRANEENNE 
EN RAPPORT AVEC LES REVENDICATIONS PROFESSIONNELLES

 

La spécificité de la pêche professionnelle méditerranéenne représente un contexte culturel et social. Mais, il s’agit aussi et surtout, d’une part d’une définition stricte et reconnue, et d’autre part de réalités économiques que les professionnels de la pêche méditerranéenne souhaitent maintenant voir respectées par des actes précis. Concrètement la spécificité méditerranéenne s’exprime aussi bien par des différences de structure de la flotte que par une organisation de la commercialisation et une réglementation particulières.
 

DEFINITION DE LA SPECIFICITE DE LA PECHE MEDITERRANEENNE
LE CONTEXTE CULTUREL ET SOCIAL DE LA SPECIFICITE
LA SPECIFICITE STRUCTURELLE DE LA FLOTTE
LA SPECIFICITE DE LA COMMERCIALISATION
LA SPECIFICITE REGLEMENTAIRE
LES MESURES GENERALES ET LES REVENDICATIONS CONJONCTURELLES
 
 
 
 
 
DEFINITION DE LA SPECIFICITE DE LA PECHE MEDITERRANEENNE 

1- La mer Méditerranée est une mer semi-fermée, aux caractéristiques biologiques représentées par une ressource pauvre et de petites tailles mais d’une grande diversité. Son plateau continental, constitué principalement par le Golfe du lion, unique lieu de pêche en mer, est extrêmement réduit. Deuxième site de pêche, les pêcheries des  lagunes méditerranéennes sont des zones ou le développement démographique apportent des pollutions et des activités touristiques très développées. Elles sont donc aussi confrontées à cette exiguïté et à cette fragilité.
De ces conditions géomorphologiques et biologiques découlent des techniques et des pratiques de pêche fondées sur une polyvalence artisanale (diversité des arts dormants), une gestion particulière du temps de pêche (temps de sortie de 12h00 maximum pour les arts traînants), ainsi que des structures de commercialisation  adaptées à ces besoins particuliers.
 
 
 
LE CONTEXTE CULTUREL ET SOCIAL DE LA SPECIFICITE

2- Depuis 1312, afin de gérer l’ensemble de ces contraintes, les pêcheurs méditerranéens se sont organisés en prud’homies, véritables communautés de patrons pêcheurs. Après la révolution, les pouvoirs publics reconnaissaient l’existence légale de ces communautés de pêcheurs en Méditerranée . Avant les lois de 1945 et 1970 mettant en place les organisations professionnelles et de producteurs dans le secteur des pêches, les prud’homies étaient les seules organisations à être chargées de régler les conflits internes ou externes entre professionnels concernant aussi bien l’accès aux zones de pêche que les conflits sociaux, voir même individuels. En cas de crises graves, ils étaient aussi chargés de faire remonter les revendications des professionnels de la Méditerranée auprès du parlement de Paris. Aujourd’hui, les prud’hommes ont axé leur activité sur l’accès à la ressource (par exemple les jours et les horaires de sorties et dans certains cas la police des pêches  ou le “tirage au poste”  des zones de pêche...) et la représentation des intérêts locaux des professionnels.
Depuis 1945 elles sont assistées d’organismes issus du droit national, les comités interprofessionnels. Depuis 1970 elles sont aussi épaulées, dans le secteur de la commercialisation, par des organismes issus du droit communautaire, les organisations de producteurs. Nécessairement, ces nouvelles organisations ont aussi intégrer cette spécificité afin de fonctionner en harmonie avec une réalité culturelle et économique incontournable.
 
 
 
LA SPECIFICITE STRUCTURELLE DE LA FLOTTE

3-  En 1999 on trouvait 1594 unités de moins de 12m, soit 87,25% de la flotte en Méditerranée française (chiffres CAAM, 1999). Actuellement, on a une gestion communautaire de l’effort de pêche « classique » (réduction des kW, réduction des jauges, etc...) de ce segment qui ne correspond pas à la bonne méthode pour une régulation de l’effort de pêche de ce segment.
En Méditerranée, la réduction des kW et des jauges ne régule pas l’effort de pêche du segment petits métiers qui est exclusivement pratiqué à l’aide d’arts dormants. Seul un maintien, voir un accroissement, d’une polyvalence des pratiques de pêche de ce segment (thonaille, senne de plage, allatchare...) régulera l’effort de pêche sur chaque espèce cible. L’objectif étant alors une régulation de l’effort de pêche par sa répartition sur plusieurs zones et plusieurs espèces. Si on continue de diminuer le nombre de pratiques différentes de pêche de ce segment tout en développant la pêche de loisir qui elle se fait dans le même espace maritime et lagunaire et qui se pratique que sur très peu d’espèces, l’équilibre de la ressource s’en trouvera altéré. On aura des espèces surpêchées et d’autres sous exploitées. La polyvalence méditerranéenne est faite pour contrer cette tendance.
AINSI, les professionnels demandent que l’activité du segment petit métier soit gérée à part entière avec, un développement et non un truchement de la polyvalence. Ils demandent donc une révision totale du règlement 1626/94 (interdiction des engins), ainsi qu’un développement d’une gestion de l’effort de pêche en conformité avec la réalité (arts dormants), donc une modification réelle des critères kw et jauges pour ce segment.

- la révision du règlement communautaire sur les engins interdits
- le respect de la polyvalence
- la modification des critères de kW et de jauge

4- Concernant la une flotte du segment chalutier on se trouve actuellement en Méditerranée avec une flotte d’une moyenne d’âge de 27 ans. Ce segment doit impérativement trouver encore de nouvelles possibilités de reconstruction si il veut suivre sa politique de modernisation (qualité, sécurité) et de reconversion précautionneuse engagée (vers la pêche pélagique) depuis plusieurs années. Dans le cas contraire, les armements de plus en plus vieux seront obligés d’accroître leur effort de pêche sur les poissons de fonds pour atteindre des niveaux de rentabilité viables. Or cette perspective est contraire au bon état de la ressource et de son équilibre.
AINSI, les professionnels demandent un réel programme, sur le long terme, de reconstruction et de modernisation de ce segment. En contrepartie, ils sont prêts à accentuer leur efforts orientés vers une pêche de qualité.

- un programme de reconstruction  et de modernisation sur le long terme

5- Sur le segment thoniers-senneurs il  faut constater une absence totale de connaissance de l’état de ce segment au niveau du POP. En réponse aux contraintes constamment croissantes imposées aux professionnels, ces derniers demandent donc une clarté totale de la Direction des Pêches sur l’état et les perspectives de ce segment.
AINSI, les professionnels demandent un partenariat et une intervention claire de l’état sur les perspectives de ce segment. La demande ne consiste non pas seulement à constater et prendre en compte les recommandations de l’ICCAT et les règlements communautaires, mais aussi et surtout réfléchir avec les professionnels à une orientation basée sur la réalité de terrain et la pérennisation de cette activité.

- une intervention claire des pouvoirs publics
- une réflexion sur le long terme concernant les orientations de ce segment
 
 
 
LA SPECIFICITE DE LA COMMERCIALISATION

6- Le segment petits métiers, dont les modes de commercialisation restent hors des schémas structurels de commercialisation actuellement prévus (OP prévues par les règlements OCM), doit trouver des solutions structurelles lui permettant de proposer un circuit de commercialisation rentable (développement de la vente en directe, aides exceptionnelles aux structures coopératives, mise à disposition de personnels qualifiés pour soutenir ces structures). La Méditerranée dans sa grande majorité (87,25% de la flotte méditerranéenne constituée de petits métiers, chiffres CAAM, 1999) manque de prise en compte des caractéristiques de ces productions dans l’organisation de la production (volumes par espèce faibles, grand nombre d’espèces, production concentrée sur des périodes courtes, méconnaissance des produits sur le marché français, absence totale de possibilités de transformation des produits de ce segment). Les conséquences de ce manque de prise en compte sont représentées par une dépendance constante des producteurs vis à vis des marchés extérieurs qui eux ont su, en temps utile, organiser leur structure de commercialisation (Italie, Espagne). Cette situation peut s’avérer catastrophique (saison 1999 pour l’anguille, saison 1998 pour la palourde...) et engendrer une totale dépendance de ce segment. Après la prise de pouvoir par les « quotas hopping atlantiques », on assiste à une prise de pouvoir par les circuits de commercialisation.
AINSI, les professionnels demandent un soutien public exceptionnel, allant au delà des prérogatives européennes prévues (nouveau règlement OCM), pour la mise en place de structures de commercialisation du segment petits métiers. En contrepartie, les organisations professionnelles s’attacheront à s’organiser pour gérer ces structures.

- un soutien public exceptionnel pour la commercialisation du secteur des petits métiers

7- Les espèces commercialisées par les OP méditerranéennes existantes (segment chalutier, thonier et lamparos) doivent trouver une spécificité concrète sur les marchés. Les tailles des espèces doivent ainsi correspondre à la réalité méditerranéenne et non à un marché globalisé (normes identiques à toutes les façades).
Les démarches des OP doivent trouver un soutien constant en prenant en compte le fait que la Méditerranée représente 27% de la flotte nationale alors que sa part nationale dans la gestion de la production  par OP est bien inférieure à 27% (rapport d’IFREMER, « les OP des pêches maritimes françaises, situation et typologie », Octobre 1995).
AINSI, les professionnels constatent que la commercialisation de la production méditerranéenne par le biais de structures spécialisées reste très en deçà des autres façades. En conséquence, il est demandé une réelle réflexion, suivie d’actes précis, concernant le soutien de la commercialisation des produits de la pêche en Méditerranée et essentiellement les espèces pélagiques et lagunaires qui sont et restent les éléments essentiels de l’équilibre de la ressource.

- une prise en compte des contraintes particulières des organisations de commercialisation
 
 
 
LA SPECIFICITE REGLEMENTAIRE

CONCERNANT LE DROIT COMMUNAUTAIRE :

8- Les professionnels demandent que le principe de subsidiarité définit par le traité d’Amsterdam (article 3 du Protocole du traité sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité) comme « un concept dynamique » permettant « d’étendre l’action de la communauté, dans les limites de ses compétences, lorsque les circonstances l’exigent, et inversement de la limiter et d’y mettre fin lorsqu’elle ne justifie plus », soit strictement appliqué pour le secteur des pêches méditerranéennes.
Ce même article dispose que « l’Union européenne se dote des moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs et mener à bien ses politiques ». Les professionnels demandent donc que l’Union européenne se dote des moyens nécessaires pour atteindre une réelle gestion de la ressource en Méditerranée et non une politique calquée sur les autres façades ou ne consistant qu’à élaborer une succession d’interdits d’engins (règlement 1626/94) sans effectuer de travail en profondeur conforme aux objectifs généraux de la PCP (règlement 3760/92).

En 1996, dans un avis du Comité des Régions «sur les conséquences régionales de la politique commune de la pêche » (JOCE du 02 mai 1996, N°C/129), celui-ci résumé son point de vue en disposant que «  toute solution dans laquelle la mise en oeuvre de la politique est une responsabilité dévolue au niveau local pourrait, en ce qui concerne la pêche, constituer une interprétation plus efficace et plus rentable du principe de subsidiarité selon lequel la responsabilité est répartie entre les niveaux les plus appropriés, et pourrait aboutir à une meilleure réalisation des objectifs généraux de la politique commune de la pêche ».
Les professionnels demandent une politique allant dans ce sens.
AINSI, la réglementation communautaire doit trouver, en Méditerranée, une PCP par façade afin de ne pas aboutir à des systèmes de gestion de la ressource inefficaces (mêmes règles pour toute l’Europe pour les POP et seulement des interdits d’engins comme prise en compte de la spécificité méditerranéenne).De même, les eaux du Golfe du Lion doivent trouver une réglementation du type « zone de protection de pêche » afin de ne pas voir les efforts entrepris par les professionnels français et européens anéantis par des navires battant pavillon de pays tiers. En contrepartie, les professionnels français seront prêts à se rapprocher des professionnels du bassin méditerranéen concernés afin d’accompagner cette gestion par façade par une entente professionnelle.

- un choix  de niveau de réglementations visant une efficacité optimale
- une politique européenne des pêches fondée sur une réflexion par façade
 

CONCERNANT LE DROIT FRANCAIS :

9- L’inscription facultative au registre du commerce, qui correspond à la réalité de la structure économique des pêcheries méditerranéennes, qui a reçu l’aval d’une très grande partie de parlementaires méditerranéens (vingt d’entre eux ont répondu en soutenant le changement de la loi) toutes tendances confondues, doit trouver une concrétisation avant le 31.12.2000.
AINSI, les professionnels demandent au gouvernement que cette modification soit le plus rapidement effective. En contrepartie, ils sont prêts à développer leurs efforts vers l’organisation et la structuration des professionnels qui auront fait le choix de ne pas s’inscrire au registre du commerce.

- Le respect de la réalité de la physionomie des pêcheries méditerranéennes
- La prise en compte des atouts méditerranéens dans la politique des pêches nationale

10- Concernant la pêche des coquillages fouisseurs, actuellement en Méditerranée et pendant encore quelques années, celle-ci ne se pratique jamais sur l’estran dans la mesure celui-ci n’existe pas. En Méditerranée, il n’y a pas de « cueillette à terre » similaire à ce qui se pratique en Atlantique, et toutes les pêches se font en mer ou dans les étangs salés.
Ainsi, toutes les activités de « cueillette » (pêche à la telline, palourde, violet...) sont légalement à considérer comme une activité de pêche maritime sachant que celle-ci est définie comme « la capture des animaux et la récolte des végétaux marins, en mer et dans la partie des fleuves, rivières, étangs et canaux ou les eaux sont salées est soumise aux dispositions suivantes » (Article premier du décret du 09 janvier 1852 sur l’exercice de la pêche maritime).
AINSI, toutes les activités de pêche professionnelle pratiquées en Méditerranée dans la mer et les étangs salés sont des activités de pêche maritime soumises au décret de 1852 et donc à la loi du 02 mai 1991 qui prévoit que « quelque soit leur statut » les personnes qui pratiquent des activités de pêche font obligatoirement parties des organisations professionnelles (Comités locaux, régionaux et national). Or, sauf exception négociée, cela ne se fait que par le biais  de l’assujettissement à l’ ENIM.
Les professionnels demandent donc que la réglementation sur la pêche à pied ne soit pas uniformément appliquée et que là encore la spécificité de la Méditerranée soit respectée et que le statut de pêcheur à pied ne soit pas applicable en Méditerranée.

- La prise en compte de l’absence de marée
- Le refus du statut de pêcheur à pied

11- La réglementation sur la distinction entre les produits aquacoles et les produits « sauvages » à l’étiquetage doit être en vigueur. Celle-ci est vitale pour le devenir des productions qui sont en concurrence avec les produits d’aquaculture.
AINSI, les professionnels demandent que cette réglementation entre en vigueur le plus rapidement possible.

- des pêcheries demandant de plus en plus d’investissements
- une volonté ferme de promouvoir et de commercialiser les produits de la pêche en tant que tels

12- La réglementation nationale sur les 35H doit trouver une compromis correspondant aux réalités méditerranéennes (heures de sorties pour les chalutiers, heures de travail à terre pour les petits métiers...)
AINSI, les professionnels demandent, à être consultés, le moment venu, sur les aménagements concernant cette réglementation. En contrepartie, ils sont prêts à faire état de la spécificité de leur utilisation du temps de travail.

- une adaptation de la loi des 35H à la réalité de notre métier

13- D’après le dernier recensement (1999), la Méditerranée est une zone littorale en pleine expansion démographique. Il en découle une croissance de l’occupation du domaine publique maritime et des zones maritimes adjacentes.
Ainsi, la diminution croissante des espaces de pêche, par le classement de zone et les pollutions telluriques, ou, par la présence de nouveaux aménagements de type éoliennes offshore ou canalisations pour les émissaires en mer, doit être accompagnée d’une application stricte du principe de « rupture d’égalité devant les charges publiques ». Il n’est pas acceptable, ni moralement, ni juridiquement, qu’une seule profession subisse les conséquences de ces contraintes « d’utilité publique ».
AINSI, les professionnels pensent qu’il faut strictement prendre en compte le fait que chaque fois que les professionnels de la pêche voient diminuer leur espace de pêche, donc leur espace de travail, les personnes publiques, ou privées, responsables doivent en assumer pleinement les conséquences. En contrepartie, les professionnels s’engagent à rester les derniers gardiens professionnels de cet espace maritime précieux et fragile.

- une pollution galopante
- des espaces de pêche qui diminuent
- des contraintes que seuls les pêcheurs, pour l’instant, supportent

14- La pêche méditerranéenne est une pêche totalement artisanale et ceci autant sur le plan pratique que sur le plan juridique. Les notions de « pêche industrielle » et « d’armements » ne sont applicables en Méditerranée. Ainsi, les régimes sociaux (CNAF) qui suivent « aveuglément » les évolutions internationales (passage Tjb/UMS) ne doivent aboutir à des abérations transformant, du jour au lendemain, des bateaux de pêche artisanale, qui n’ont subi aucun agrandissement, en bateaux industriels.
 
 
LES MESURES GENERALES ET LES REVENDICATIONS CONJONCTURELLES

°     Les professionnels de la Méditerranée, sachant qu’il n’est plus admissible de supporter la hausse des prix du carburant qui détruit leur économie, leur famille, ainsi que les efforts entrepris pour développer un « mieux pêcher » , conscients que ce problème ne peut pas être résolu au simple niveau de leur façade, ont demandé instamment que  les Comités régionaux se réunissent afin de trouver des solutions rapides à cette situation conjoncturelle.

°     Les professionnels de la Méditerranée, sachant qu’une grande partie de la fiscalité de la pêche se trouve actuellement dans un régime qui ne correspond pas à la réalité du métier, et notamment au caractère aléatoire des revenus, sont prêts à réfléchir à des régimes d’imposition corroborant cette réalité.

°     Les professionnels de la Méditerranée, constatant que la cohabitation portuaire, quel que soit le concessionnaire, avec les autres professions maritimes reste un problème fréquent, il est demandé que l’activité de pêche soit prise en compte en tant que profession générant des emplois portuaires et qu’elle trouve donc une juste représentation dans les objectifs des ports méditerranéens.