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Aujourd’hui la pêche méditerranéenne représente
27% de la flotte nationale, soit 1661 unités. 89% de ces unités
sont armées en petite pêche, 3% pratiquent la pêche
au thon et 8% le chalutage.
Partie
1 : les problématiques communes aux pêches méditerranéennes.
Partie 2 : les problématiques
par segment de pêche.
Monsieur le Ministre, Monsieur le Directeur des Pêches,
Mesdames et Messieurs,
Depuis des millénaires, des centaines d’années,
le fait que nous évoluons dans une mer considérée
comme la plus pauvre du monde à fait que nos pêcheries ce
sont adaptées et dotées de structures propres pour pérenniser
leurs activités. Les exemples ne manquent pas; l’organisation de
la profession par les prud’homies, les règlements sur les engins,
les périodes d’ouverture de la pêche, les heures de sorties
et d’entrée de ports, les licences...
Tout ce système de protection de la ressource a été
l’œuvre de générations de pêcheurs méditerranéens
et a permis à la pêche méditerranéenne d’exister.
Oui les pêcheurs méditerranéens peuvent être fiers. Ils ont absorbé, intégré de grands mouvements historiques, sociologiques, économiques et juridiques. Comment ne pas rappeler la venue de milliers de pêcheurs italiens à la fin du XIX siècle, les guerres de 14-18, de 39-45, la migration espagnole fuyant les phalanges du franquisme, l’arrivée de nos frères rapatriés d’Afrique du Nord.
Que sait-il passé depuis vingt ans ?
La mise en place de l’Europe bleue, la mondialisation de l’économie et l ‘ouverture des frontières ont considérablement modifié la donne et enlevé à nos pêcheries la capacité propre d’adaptation qui fut la leur. Depuis vingt ans nous fonctionnons au jeu de la carotte et du bâton. La subvention d’un côté, la règle de l’autre.
Mais qu’en est-il aujourd’hui réellement de la ressource
?
Quel bilan pouvons-nous faire de vingt ans de décisions
sans nous et donc contre nous ?
Les pêcheries méditerranéennes sont aux abois. Pour exemple, le segment des chalutiers n’a jamais été aussi vieux et ses efforts de reconversion vers la pêche pélagique risquent d’être anéantis. Le segment des thoniers senneurs fait face à une avalanche de contraintes, pire, on l’empêche de se renouveler et certains proposent de lui voler une part de quotas de pêche. Que dire du segment petits métiers auquel on interdit ses engins sous de faux prétextes et pour lequel L’Europe bleue n’a pas réglé les problèmes de la ressource et de la commercialisation des produits. Depuis vingt ans des centaines de professionnels de ce segment ont mis sac à terre.
Voila où nous en sommes. Voila le bilan. Voila ce gaspillage.
A partir de ce constat, les pêcheurs méditerranéens ont décidé de réagir tous segments, régions, organisations et syndicats confondus. Nous disons stop. Comme l’ont su faire nos anciens, nous démontrons aujourd’hui notre capacité à construire, à être des acteurs volontaristes. Oui le 27.02 a bien eu lieu, oui nous sommes aujourd’hui en capacité de vous proposer des solutions alternatives, oui contrairement à d’autres nous savons ce que c’est que la ressource. Nous en vivons et nous avons des solutions pour la protéger parce que tout simplement il s’agit de notre avenir.
Voila en quelques mots la situation à laquelle nous sommes confrontés et à laquelle vous êtes lié, bienvenue donc en Méditerranée, Monsieur le Ministre de la Pêche et de l’agriculture.
Depuis quelques mois nous avons commencé à travailler
ensemble. Cependant, le chemin à parcourir pour arriver à
la pérennité de nos activités, à une véritable
protection de la ressource, reste long. Tant de problèmes, nombreux,
complexes, et variés restent à régler. Nous avons
ciblé plusieurs points sur lesquels il faut que vous apportiez des
réponses. De même, nous proposons plusieurs réponses
que nous souhaitons voir aboutir.
PARTIE 1 : LES PROBLÉMATIQUES COMMUNES AUX PÊCHES MEDITERRANEENNES |
SOMMAIRE
L’environnement
- Les rejets urbains
- Le respect de la qualité du milieu
Le statut des professionnels
- L’inscription au registre du commerce
- La formation
- La représentativité au sein du CNPMEM
Les charges de fonctionnement
- Les prix des carburants
- L’accés aux installations portuaires
La fiscalité et commercialisation
- Fiscalité
- Commercialisation
I. Les rejets urbains : Préservation / Épuration.
1.1 Nous demandons le gel des POS des communes ne respectant
pas les normes de rejets urbains. En conséquence, nous demandons
qu’une loi stoppe l’urbanisation des communes qui ne respectent pas ces
normes.
1.2 De même nous demandons de favoriser le développement
de stations d’épuration intégralement propres.
Ce type de station existe. Pour les professionnels de la pêche
il ne s’agit plus d’un choix politique, mais bel et bien d’une réalité
économique. Concernant les émissaires en mer nous considérons
qu’ils ne sont qu’un camouflage et qu’ils ne font que repousser le problème
de l’épuration des rejets urbains sans le traiter.
II. Le respect de la qualité du milieu : Pollutions / Contaminations.
2.1 Aujourd’hui quand une zone de production n’est pas conforme aux
normes sanitaires ou que l’on manque de données scientifiques, on
décide
de déplacer les pêcheurs et d’interdire leur activité.
Il faut créer les conditions pour que les pêcheurs puissent
continuer à exercer leur activité dans ces zones, et surtout
il faut dorénavant faire immanquablement payer les pollueurs.
2.2 Il faut aussi rejeter les contaminations par des espèces
non-indigènes.
La Caulerpa Taxifolia et l’Alexendrium sont deux exemples qui montrent
avec effroi ce que peuvent devenir des zones de production quand
on les utilise comme lieu de déversoir et de re-trempage. Ainsi,
les professionnels demandent à être présents dans chaque
commission et conseil qui travaillera sur ce type de dossier afin de les
suivre en tant que catégorie décidant de son devenir et non
en tant que catégorie le subissant. Il faut, là encore, encadrer
ces pratiques.
STATUT
DES PROFESSIONNELS DE LA PÊCHE
III. L’inscription au registre du commerce : Qualification juridique
claire / Conséquences statutaires précises.
3.1 Le statut de marin pêcheur méditerranéen.
La loi d’orientation pêche dispose, dans son article 14, que
les activités de pêche sont considérées comme
des activités commerciales. Que penser de cette disposition au regard
de la situation des pêches méditerranéennes ? Peut-on
vraiment considérer qu’un pêcheur qui consacre 95% de son
activité professionnelle à exploiter un “cru”, et seulement
5% de son activité à acheter des produits, est un professionnel
qui fait “acte de commerce” ? Raisonnablement et juridiquement, il faut
répondre non. Ce statut du pêcheur commerçant doit
être écarté.
3.2 L’inscription au registre du commerce.
En conséquence de l’adoption du statut de commerçant,
les pêcheurs auront l’obligation d’être inscrits au registre
du commerce et des sociétés au 01 janvier 2000. Si il est
compréhensible qu’une partie de la pêche française
désire être partie prenante à la gestion des
CCI, en Méditerranée cela ne correspond à rien. Très
peu de sites de pêche sont concernés. Nous refusons donc cette
obligation d’inscription et vous demandons de prendre les dispositions
nécessaires à la levée de celle-ci.
IV. La formation : CIN.
Ce certificat est un véritable verrou pour les entrées
dans la profession. Il est une ineptie incapable de mettre en corrélation
les demandes avec les offres. On constate ainsi que l’on a des listes d’attente
beaucoup trop longues. En plus de cet encombrement, il faut attendre
l’âge de vingt ans pour passer ce certificat. On se retrouve dans
des situations dans lesquelles les jeunes ne peuvent pas répondre
à la demande d’embauche. Quelle image pour une France qui combat
le chômage ?
V. La représentation au sein du CNPM : Représentativité
/ Cohérence.
Là encore on doit souligner la présence d’une incohérence.
Comment peut-on imaginer que 116 suffrages pèsent plus que 3600
(en fait le double avec 9 sièges pour 4) dans une assemblée
qui a pour vocation de représenter l’ensemble des professionnels
de la pêche française. Qu’on se le dise nos propos à
ce sujet ne sont en aucun cas polémiques et ne visent personne,
mais tout simplement portent l’idée que la représentativité
du monde de la pêche au sein du CNPMEM doit être affinée.
VI. Les plaisanciers en Méditerranée : Prédation
/ Cohabitation.
A l’heure des réductions de l’effort de pêche imposées
aux professionnels, peut-on encore admettre que les prélèvements
croissants des activités de plaisance ne font l’objet d’aucun suivi
? Ceci tant au niveau des quantités prélevées que
de l’utilisation de l’espace ou de la commercialisation des produits. Il
faut dorénavant impérativement encadrer ce secteur d’activité
maritime.
VII. Prix du carburant.
Il est inadmissible que les prix des carburants (gasoil et essence)
aient dernièrement augmenté de 50 et 70%. Les charges
que cela représente sur les budgets des professionnels sont trop
lourdes pour être acceptées.
VIII. Accès gratuit aux installations portuaires
Trop de ports ferment volontairement leur porte aux professionnels
de la pêche (stationnement / débarquement) par le biais de
taxes portuaires. En effet l’usage strictement occasionnel des installations
portuaires pour des raisons de sécurité ou afin de débarquer
des produits ne doit pas faire l’objet de taxations outrancières.
Nous demandons la gratuité de l’utilisation occasionnelle de ces
espaces portuaires.
IX. Le régime juridique des pêches méditerranéennes
: Statut des eaux / Conservation des ressources .
La démonstration de la spécificité de la pêche
méditerranéenne étant faite, la Communauté
européenne attend-elle l’élimination totale de nos activités
pour élaborer une vraie PCP méditerranéenne ?
Conjointement et parallèlement à “l’Europe bleue-Atlantique”
doit se construire une “Europe bleue-Méditérrannée”.
il faut cesser de croire que nous pratiquons la pêche minotière,
que les marées remontent jusqu’au pont du Gard, et, en fin de compte,
que les remèdes des uns correspondent aux maux des autres.
FISCALITÉ ET COMMERCIALISATION
X. La fiscalité : Transparence .
Tout comme la problématique posée par l’inscription au
registre du commerce celle de la fiscalité montre bien que la pêche
n’est toujours pas considérée comme une activité économique
spécifique et à part entière. Alors que depuis plusieurs
années les professionnels ont fait des efforts pour s’organiser
(le développement des Groupements de gestion, des OP...), il apparaît
aujourd’hui que l’administration qui entend aligner les pêcheurs
sur le régime fiscal du salaire réel alors que le régime
de prévoyance et maladie restent forfaitaires, ne prend pas en compte
la spécificité des caractères aléatoires et
fluctuants des revenus de la pêche. Il faut entendre les propositions
de la profession à ce sujet pour qu’enfin une solution propre à
la particularité de nos activités soit mise en place.
XI. La commercialisation : Tailles marchandes / Interventions.
11.1 Concernant les tailles marchandes là encore la spécificité
du milieu de la mer Méditerranée fait que nos espèces
ont une taille biologique maximale plus petite qu’en Atlantique et ailleurs.
La concertation avec les organisations professionnelles, les organisations
de producteurs, doit aller au plus profond de la réalité
méditerranéenne afin que les intérêts de la
politique de la protection de la ressource et de la commercialisation soient
affirmés.
11.2 Pour les interventions il faut maintenir et adapter les crédits
de soutien à l’évolution constatée par Organisations
de Producteurs méditerranéennes. Les efforts entrepris pour
le développement de la pêche pélagique, politique respectueuse
de la protection de la ressource, ne doivent pas être détruits
par des politiques commerciales inadaptées. Concernant les autres
pêcheries il faut aussi impérativement aider les petits
ports à mettre en place les structures de commercialisation nécessaires
à la pérennisation de leurs activités.
GESTION
CONCERTÉE DES AIDES A LA PÊCHE
XII. Les aides au secteur : Efficacité / Concertation.
Actuellement, le contrat de plan État / Région 2000-2006
engage l’État à hauteur de 11 Millions de francs et la Région
pour 210 Millions de francs. Il ne s’agit pas ici de critiquer la faiblesse
de l’enveloppe de l’État. Il est par contre important de noter que,
en plus de l’État et de la Région, les grands axes des aides
dans le secteur des pêches sont aujourd’hui définies par l’IFOP.
Ces aides IFOP ne doivent plus passer à côté de la
réalité des pêches méditerranéennes.
Ainsi, nous demandons que l’État s’engage pour que, dans un premier
temps, les propositions des professionnels concernant ces aides apparaissent
dans le contenu du prochain document de programmation, et que ensuite la
gestion de ces aides se traduise par une véritable concertation
entre l’État et les co-financeurs. Ici encore on est loin d’entrer
dans des considérations politiques, par contre, les professionnels
ne veulent plus qu’on leur propose des carcans d’aides annexés sur
des réalités de la pêche Atlantique.
PARTIE 2 : LES PROBLÉMATIQUES PAR SEGMENT DE PÊCHE |
SOMMAIRE
Le segment chalutiers
- Renouvellement de la flotte
- Intervention de l’État
Le segment thoniers
- renouvellement et sécurité
- Refus de l’accroissement de l’effort national
Le segment petits métiers
- Audit précis et Gestion par façade
- Gestion des gisements coquilliers
- Polyvalence précautionneuse.
XIII. Le segment chalutiers : Renouvellement / Auto-encadrement / Intervention.
13.1 D’une moyenne d’âge de trente ans, la flottille chalutière doit maintenant voir son renouvellement accéléré. Les organisations professionnelles ont fait à ce sujet des propositions afin d’établir avec l’État le cadre et les conditions dans lesquels doit se faire se renouvellement. Oui il est important que l’espace de vie à bord, la sécurité, les nouvelles conditions de commercialisation de qualité, soient pris en compte dans le cadre de la jauge de ces unités. Pour autant, il faut, dans l’esprit de responsabilité qui a toujours animé les pêcheries méditerranéennes, encadrer le développement de la puissance de ces unités. Des propositions ont aussi étaient faites à l’État, des réunions doivent se tenir. Il faut aller très vite. Des unités doivent se construire, des projets sont en attente depuis trop longtemps.
13.2 Dans le cadre des interventions pour la construction des navires
de plus de 18m, la région Languedoc-Roussillon a fait la proposition
unilatérale de participer à hauteur de 5% et par là
même d’ouvrir le champs des interventions communautaires et de l’Etat,
cependant, les promoteurs de ces constructions qui ont leur PME n’ont toujours
pas l’autorisation de construire. Nous demandons que ces constructions
puissent commencer.
XIV. Le segment thoniers-senneurs : Renouvellement et Sécurité / Refus d’un accroissement d’effort national.
14.1 Alors que ce segment a perdu des unités, a vu des licences grands pélagiques disparues, et se trouve soumis à des périodes d’arrêts strictes, le POP ne tient pas compte de ces efforts. Pire, alors que c’est devenu un impératif de sécurité, les rampes arrières font l’objet d’un “black-out”. Compte tenu de ces éléments, nous demandons la révision des objectifs du POP, le renouvellement de la flottille pour les vieilles unités, ainsi que l’autorisation de construction des rampes arrières pour l’ensemble de la flottille.
14.2 Sur les aspects de quotas, inutile de vous rappeler l’épisode
“tragi-comique” de certains comportements dans certaines îles. Ne
toucher pas à nos quotas... Mieux, tout en osant un parallèle
flagrant avec la situation de l’agriculture sur les OGM, il faut que la
France et l’Europe deviennent très rapidement en capacité
de contrer les méthodes de calcul de la ressource thon rouge actuellement
en vigueur à l’ICCAT et sous contrôle de la puissance commerciale
américaine.
XV. Le segment petits métiers : Audit précis et Gestion par façade / Gestion des gisements coquilliers / Polyvalence précautionneuse.
15.1 Nous vous rappelons que la corrélation puissance / effort de pêche est nulle et non avenue dans ce segment. Dans ce contexte il faut restituer, pour ce segment, la gestion de l’effort de pêche aux entités régionales que nous sommes. Il faut que vous nous donniez tous les éléments nécessaires, nombre d’unités, nombre de marins, et de kilowatts pour permettre la gestion de l’effort de pêche de ce segment dans la plus parfaite transparence. Arrêtez avec les enveloppes nationales qui permettent tous les “tripatouillages”. Restituez à nos régions les kilowatts vendus sur les autres façades.
15.2 Concernant le statut et la gestion des gisements coquilliers, alors que sur le littoral et en lagunes une forte volonté des professionnels existe en vue de la mise en place d’une gestion raisonnable, il nous apparaît incompréhensible que les services de l’État soient incapables d’y répondre. Cette volonté professionnelle doit d’autant plus être soutenue que la MSA tente peu à peu une véritable OPA sur le régime ENIM en nous inventant un nouveau type de professionnel que nous refusons. Nous serons très vigilant et demandons à être consultés sur le futur statut du pêcheur à pied.
15.3 Nous n’allons pas ici rappeler tout ce qui fait l’originalité,
l’équilibre de nos pêcheries petits métiers dans le
cadre de la polyvalence. Nous excluons tout type d’interdits sur les engins.
Que penser de ces décisions péremptoires quand on constate
les magouilles, les comportements à géométrie variable
de ceux qui nous méprisaient hier et nous offre le spectacle de
la “combinazion” aujourd’hui. Et je ne parle pas là de la “Emma”
Bovary de Gustave Flaubert ...
Sur ces engins soit disant interdits des engagements ont été
pris, nous attendons, et sommes prêts à contribuer au fait
que vous puissiez les tenir. Mais sachez le, au risque de nous répéter,
nous continuerons de pratiquer nos activités traditionnelles en
Méditerranée.
Après la présentation du cadre dans lequel nous évoluons, après un tour d’horizon point par point d’un certain nombre de revendications, je conclurai brièvement.
Dans nos métiers il n’y a rien sans travail. Depuis des
centaines d’années nous avons été des acteurs volontaristes
du développement harmonieux de nos activités, ne comptez
pas sur nous pour baisser les bras dans une période que nous qualifierons
de point de non retour. Nous exigeons une bonne fois pour toute la reconnaissance
de l’entité méditerranéenne. Si vous êtes un
des rare ministre qui a la chance d’avoir face à lui une Méditerranée
unie qui parle d’une seule et même voix, si l’essentiel n’est pas
réglé vous aurez le malheur de voir la Méditerranée
unie au combat.
Merci, Monsieur le
Ministre.